Traduction française : Le dolmen de l'abri sous roche du Maure
On en compte dans les 120 dans l’Albera et son prolongement la Serra de Rodes / Cap de Creus, dont une douzaine sur le versant nord de l’Albera. Souvent placés sur des lignes de crêtes ou des cols, les dolmens jouent aussi le rôle de marqueur territorial de la communauté. Ils sont construits à une certaine distance de l’habitat dont le territoire se trouve jalonné par plusieurs monuments. Les communautés vivent en bordure des cours d’eau des vallées intérieures, et dispersent leurs tombes sur les crêtes voisines.
Situé à 605 mètres d'altitude, sur un replat de la crête qui sépare les bassins versants des rivières de Laroque et de Mataporcs, le dolmen de la Balma del Moro s’inscrit dans ce schéma.
En 1835, Jaubert de Réart, un des pionniers de la recherche préhistorique en Catalogne nord publie ce dolmen pour la première fois sous le nom de Balma del Moro. En 2002, l’archéologue catalan Josep Tarrús i Galter présente son étude détaillée dans sa thèse de doctorat[1].
La Balma del Moro est de type dolmen à couloir, le plus courant dans l’Albera. La chambre funéraire, de grandes dimensions (L. 2,35 m / l. 1,9 m / h. 1,75 m), est bien conservée. Elle est orientée sud / sud-est comme la très grande majorité des sépultures mégalithiques de l’Albera. De forme rectangulaire, elle se compose de cinq lauses dressées et d'une grande dalle (L. 3 m / l. 3 m) en couverture. On y accédait par un couloir fait de lauses plus basses. L’ensemble était recouvert d’un tumulus circulaire de pierres et de terre d’environ 8 mètres de diamètre dont il ne subsiste aujourd’hui que quelques lauses plantées à l’extrémité de l’anneau, laissant ainsi la chambre et le début du couloir à découvert.
Des fouilles effectuées en 1987 par l’archéologue Jean Abélanet n’ont pas livré de matériel funéraire, le dolmen ayant du être pillé au cours des siècles.De la réalité à la légende…
Le nom catalan Balma del Moro se traduit en français par « abri sous roche du Maure ». S’il n’apparaît pas dans les documents antérieurs à celui de Jaubert de Réart, il s’inscrit dans une longue liste de toponymes catalans faisant référence aux Maures[2] : Cabana del Moro à Llauró, Caixà del Moro à Teulís, Puig dels Moros à Font-Romeu, Castell dels Moros aux Cluses, plusieurs lieux-dits Cementiri dels Moros ou Roc dels Moros… Ils gardent dans l’imaginaire collectif le souvenir de cette lointaine époque (VIIIe siècle) où les Maures avaient envahi les terres catalanes et au-delà. Selon l’ethnologue catalan Joan Amades (1890-1959), la tradition populaire offre une image des Maures assimilés à « des géants qui allaient de par les contrées en emportant leur maison avec eux ; ils portaient une dalle sur la tête, deux autres sous les bras et une autre derrière. La nuit, il leur suffisait de s’accroupir, ils avaient une maison toute prête pour s’abriter. Lorsqu’ils mouraient, elle devenait leur tombeau [3]». Le dolmen de la Balma del Moro en est la parfaite illustration.
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[1] Josep Tarrús i Galter, « Poblats, dòlmens i menhirs, Els grups megalítics de l’Albera, serra de Rodes i cap de Creus », Diputació de Girona, Girona, 2002 [2] Jean Abélanet, « Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées catalanes », Editions Trabucaire, Canet en Roussillon, 2008 [3] Joan Amades, « Folklore de Catalunya-Rondallítica » Barcelona, 1950